L’Assemblée nationale a vécu un épisode parlementaire inédit ce lundi 26 mai. Les partisans de la proposition de loi agricole Duplomb ont voté contre leur propre texte pour contourner l’obstruction de l’opposition écologiste et insoumise. Cette manœuvre tactique vise à faire passer le dossier directement en commission mixte paritaire.
Les 3 informations clés à retenir :
- Le bloc central a voté contre sa propre proposition de loi agricole Duplomb pour éviter les milliers d’amendements déposés par l’opposition écologiste
- Le texte passe désormais en commission mixte paritaire, une instance à huis clos réunissant 14 parlementaires des deux chambres pour trouver un compromis
- Cette tactique parlementaire inédite provoque l’indignation de l’opposition qui dénonce un « déni de démocratie » et annonce une motion de censure
Un vote paradoxal pour contourner l’obstruction
La séance de ce lundi à l’Assemblée nationale restera dans les annales parlementaires. La proposition de loi agricole Duplomb a été rejetée par 274 voix contre 121, mais dans un scénario totalement inédit : ses propres partisans ont voté contre elle.
Cette manœuvre tactique du bloc central visait à faire face au « mur » d’amendements déposés par La France Insoumise et les écologistes. Plutôt que de subir des heures de débats sur chaque amendement, la majorité a préféré envoyer directement le texte en commission mixte paritaire.
Marc Fesneau, chef des députés MoDem, a justifié cette stratégie : « C’est le seul moyen de poursuivre les travaux ». Il précise toutefois que ce vote « ne vaut pas quitus pour le texte » et espère « des bougées en commission ».
La commission mixte paritaire comme solution
Cette commission mixte paritaire réunit 14 membres issus équitablement des deux chambres parlementaires. Elle se déroule à huis clos et vise à trouver un consensus sur les textes en désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le texte Duplomb comprend notamment une mesure controversée sur la réintroduction à titre dérogatoire de certains pesticides néonicotinoïdes, dont l’acétamipride, interdit en France depuis 2018.
Hélène Laporte du Rassemblement National a également soutenu cette stratégie de rejet, estimant que c’était nécessaire pour « poursuivre les travaux » parlementaires sur ce dossier agricole sensible.
L’opposition crie au « déni de démocratie »
Cette tactique parlementaire a provoqué l’indignation de l’opposition de gauche. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée, dénonce une « nouvelle forme de 49.3 » et annonce le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement de François Bayrou.
Les organisations écologistes ne sont pas en reste. Greenpeace France a publié un communiqué dénonçant « un coup de force anti-démocratique et anti-écologique ». Génération Futures évoque une « situation grave et inédite qui doit nous alerter sur l’état de notre démocratie ».
La présidente Renaissance de la commission du développement durable s’inquiète également : « Ce texte suscite de sérieuses inquiétudes et il ne doit pas servir de cheval de Troie pour affaiblir nos exigences environnementales ».
Les enjeux environnementaux au cœur du débat
Au-delà de la polémique procédurale, les enjeux environnementaux restent centraux dans ce dossier. La proposition de loi Duplomb prévoit des dérogations pour l’utilisation de pesticides actuellement interdits, une mesure qui divise profondément l’hémicycle.
Les défenseurs du texte y voient une nécessité pour soutenir les agriculteurs français face aux difficultés économiques. Les opposants craignent un recul des exigences environnementales et sanitaires.
Cette séquence parlementaire illustre les tensions croissantes autour des questions agricoles et environnementales, dans un contexte où le monde agricole traverse une crise profonde. La commission mixte paritaire devra désormais trouver un équilibre entre ces préoccupations contradictoires.
La motion de censure annoncée par Mathilde Panot n’a pour l’instant aucune garantie d’être soutenue par l’ensemble de la gauche, mais elle témoigne de l’exaspération de l’opposition face à ces méthodes parlementaires jugées antidémocratiques.