Une révolution se prépare dans le monde du livre : les ventes d’occasion pourraient bientôt rapporter aux auteurs.
Depuis des années, le marché des livres d’occasion explose, porté par des plateformes comme Recyclivre, Vinted ou Amazon. Mais jusqu’ici, les auteurs ne touchaient aucune rémunération sur ces reventes. Cette injustice pourrait bientôt prendre fin grâce à une nouvelle contribution voulue par le ministère de la Culture.
Un marché en plein essor… mais sans retour pour les auteurs
Aujourd’hui, un écrivain perçoit en général entre 6 et 12 % du prix de vente d’un livre neuf. Mais dès qu’un ouvrage est revendu, même dès sa sortie, il échappe totalement à cette rétribution. Un phénomène devenu courant : selon une étude menée en février 2025 auprès de 1 768 auteurs, 18 % ont vu leur livre vendu d’occasion dès le jour de sa parution.
Une réponse politique après plusieurs tentatives avortées
C’est au Festival du livre de Paris en 2024 qu’Emmanuel Macron avait pour la première fois suggéré cette idée d’une « contribution » sur les livres d’occasion. Une promesse restée sans suite… jusqu’à aujourd’hui.
Malgré quelques tentatives d’amendements au budget 2025, aucune mesure concrète n’avait été adoptée. C’est désormais chose faite : Rachida Dati, ministre de la Culture, annonce la saisine du Conseil d’État pour mettre en place ce droit de suite, inspiré de celui qui existe dans le domaine des arts visuels.
Objectif : intégrer le droit de suite dans la prochaine loi
L’ambition est claire : intégrer cette mesure via un amendement à la proposition de loi sur la rémunération des auteurs, portée par Sylvie Robert (PS) et Laure Darcos (LR). Cette loi vise déjà à renforcer les droits économiques des créateurs du livre.
Mais plusieurs points restent à préciser :
- Quel sera le montant exact de la contribution ?
- Quand la mesure entrera-t-elle en vigueur ?
- Quels acteurs seront concernés ?
Les plateformes visées, les petits exemptés
Ce futur droit ne touchera pas tout le monde de la même façon. Selon le ministère, les structures solidaires comme Emmaüs seront exclues du dispositif. Les bouquinistes, symboles du patrimoine parisien, pourraient également être dispensés de cette obligation.
En revanche, les grandes plateformes de revente en ligne, très actives sur les livres quasi neufs, sont dans le viseur du gouvernement.
Une mesure saluée par les éditeurs
Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition, a salué cette avancée. Pour lui, la France peut, une fois de plus, montrer l’exemple, comme elle l’a fait en instaurant le prix unique du livre en 1981.
Le produit de cette nouvelle redevance sera versé à un organisme de gestion collective, probablement la Sofia (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit). L’objectif : soutenir la création littéraire, au-delà des seules ventes de livres neufs.
Une équation délicate : rémunérer sans faire fuir
L’équilibre sera toutefois difficile à atteindre. Car cette nouvelle contribution pourrait entraîner une hausse des prix des livres d’occasion, ce qui inquiète certains lecteurs et revendeurs. D’autres soulignent que cela pourrait décourager l’achat de livres neufs, déjà perçus comme coûteux.
Mais pour les auteurs, ce geste est perçu comme un pas décisif vers plus de justice.