La plateforme musicale indépendante Jamendo menace de poursuites judiciaires contre Nvidia et Suno, les accusant d’avoir utilisé son vaste catalogue sans autorisation pour entraîner des modèles d’intelligence artificielle.
Un nouveau front s’ouvre dans la bataille autour de l’exploitation des contenus culturels par l’IA. Jamendo, acteur historique de la musique indépendante et filiale de Winamp, affirme que des morceaux issus de son catalogue protégé auraient été utilisés par Nvidia et Suno pour développer leurs systèmes d’intelligence artificielle musicale, sans en avoir obtenu l’autorisation préalable.
Une alerte déclenchée par la communauté d’artistes
C’est à la fin de l’année 2024 que les premières suspicions sont apparues. Des membres de la communauté Jamendo, mais aussi des développeurs et des clients de la plateforme, ont identifié la présence de morceaux ou de métadonnées associées à Jamendo dans des ensembles de données liés à l’entraînement de modèles IA. L’inquiétude s’est rapidement propagée chez les artistes, notamment concernant le respect des droits d’auteur et des licences Creative Commons en vigueur sur la plateforme.
Face à ces signaux, Jamendo a mené une vérification approfondie, recoupant des informations issues de publications techniques et de bases de données publiques. Résultat : les modèles « SunoAI Foundation » et « Nvidia Non-Vocal Model » sont pointés du doigt, car ils semblent avoir intégré des extraits de musique provenant du catalogue Jamendo.
Un catalogue protégé par des licences spécifiques
Depuis sa création en 2004, Jamendo s’est imposée comme une plateforme dédiée à la musique indépendante, mettant en avant plus de 70 000 artistes et groupes dans le monde entier, avec un catalogue qui dépasse désormais les 600 000 titres.
Le cœur du modèle Jamendo repose sur l’utilisation de licences Creative Commons, qui permettent aux utilisateurs d’accéder librement aux œuvres à des fins non commerciales, mais interdisent explicitement leur exploitation commerciale ou technologique sans autorisation. En complément, la branche Jamendo Licensing propose aux artistes un système de rémunération via la synchronisation musicale et la diffusion en magasin.
L’absence de réponse pousse Jamendo à passer à l’offensive
Face à ces éléments, Jamendo a tenté une approche amiable, en prenant contact avec Nvidia et Suno à plusieurs reprises. Mais aucune réponse ne lui a été retournée, selon Alexandre Saboundjian, PDG de Jamendo et Winamp.
« Dès que nous avons eu connaissance de cette situation, nous avons contacté Suno et Nvidia, mais nos multiples messages sont restés sans réponse », explique-t-il.
« En conséquence, nous avons mandaté un cabinet juridique international et adressé une lettre officielle à ces entreprises. Si aucune réponse n’est apportée sous un mois, nous saisirons la justice. »
Une bataille pour la protection des artistes indépendants
Au-delà de l’aspect juridique, le message de Jamendo est clair : défendre les droits des artistes indépendants dans un contexte où les géants de la tech s’appuient massivement sur des contenus existants pour faire progresser leurs modèles IA.
Cette démarche intervient dans un climat de méfiance croissante envers les usages de l’intelligence artificielle dans le secteur musical. Plusieurs acteurs majeurs de la musique, dont Universal Music ou la SACEM, ont déjà tiré la sonnette d’alarme concernant l’usage non consenti de contenus protégés pour alimenter les technologies d’IA générative.