Le parquet national financier a requis sept ans de prison ferme et une lourde amende contre Nicolas Sarkozy, dans l’affaire du financement présumé libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
C’est un réquisitoire implacable qui a été prononcé par le Parquet national financier (PNF) après près de deux mois d’audiences au tribunal correctionnel de Paris. Les magistrats ont demandé une peine de sept années d’emprisonnement assortie d’une amende de 300 000 euros à l’encontre de Nicolas Sarkozy, dans le cadre du procès qui secoue la sphère politico-judiciaire française : celui du financement illégal présumé par le régime de Mouammar Kadhafi.
Un pacte de corruption « inouï » avec le régime de Kadhafi
Dans leur réquisitoire, les procureurs ont fustigé un accord qu’ils qualifient de “pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent”, passé entre le candidat à l’élection présidentielle de 2007 et le régime autoritaire libyen. Le parquet a pointé une entente ayant pour objectif de financer clandestinement la campagne présidentielle de celui qui deviendra chef de l’État.
Mais ce pacte, selon eux, ne s’est pas simplement noué avec un pouvoir étranger : il l’a été avec un « régime sanguinaire », en référence aux exactions connues du régime de Mouammar Kadhafi, alors dictateur en Libye.
Un danger pour la démocratie française
Les procureurs ont insisté sur la gravité des faits, estimant que ce financement illicite aurait pu altérer le résultat de l’élection présidentielle de 2007. Ce type de pratique “porte atteinte à la souveraineté nationale”, ont-ils affirmé, et sape la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques. Pour le parquet, le dossier dépasse le cadre d’un simple manquement aux règles de financement de campagne : il s’agit d’une menace directe envers l’intégrité du système républicain.
Sarkozy désigné comme le maître d’œuvre
Malgré les dénégations constantes de Nicolas Sarkozy tout au long de la procédure, les magistrats ont affirmé que l’ancien président est le “véritable décisionnaire” dans cette affaire. Selon eux, il ne s’agit pas d’un homme politique passif ou manipulé, mais bien du commanditaire du système mis en place.
Ils ont aussi rejeté les arguments de la défense, qui évoquait une possible “vengeance” du clan Kadhafi, notamment après l’intervention militaire française de 2011 ayant conduit à la chute du régime libyen. Pour les juges, cette théorie ne résiste pas aux éléments rassemblés au fil des dix semaines de débats.
Une accusation fondée sur plusieurs éléments clés
Plusieurs pièces ont été citées par l’accusation pour appuyer ses dires, à commencer par les carnets manuscrits de Choukri Ghanem, l’ex-ministre libyen du Pétrole, mort dans des conditions suspectes en 2012. Ces documents mentionnent explicitement des versements à Nicolas Sarkozy.
S’ajoutent les déclarations de Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais, qui affirme avoir remis plusieurs valises de billets à Claude Guéant pour le compte de Sarkozy. Autre élément jugé probant : un virement bancaire suspect vers le compte personnel de Guéant, alors directeur de cabinet de Sarkozy au ministère de l’Intérieur.
Une défense affaiblie par les faits
Face à ce faisceau d’indices, la défense de Nicolas Sarkozy a peiné à convaincre. L’ancien président a martelé n’avoir jamais reçu “un centime libyen”, dénonçant un “postulat Sarkozy coupable” qu’il juge biaisé dès l’origine.
Ses anciens collaborateurs, dont Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth, également mis en cause dans cette affaire, ont tenté de minimiser leur rôle respectif, mais n’ont pas suffi à inverser la tendance d’un procès aux débats accablants.
Une peine lourde mais inférieure au maximum encouru
Nicolas Sarkozy encourait une peine maximale de dix ans de prison et 375 000 euros d’amende pour financement illégal de campagne, corruption et recel de fonds publics étrangers. Le parquet a choisi de rester en deçà du maximum légal, mais avec une demande de prison ferme, ce qui n’est pas anodin pour un ancien président de la République.
Un verdict très attendu
Le jugement qui sera rendu dans les prochaines semaines sera scruté de près, tant par la classe politique que par l’opinion publique. Ce n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy est confronté à la justice. Il a déjà été condamné dans deux autres affaires : le dossier Bygmalion sur les comptes de campagne de 2012, et l’affaire dite des « écoutes » pour corruption de magistrats.
L’enjeu est donc majeur : une condamnation dans cette affaire libyenne viendrait assombrir encore davantage l’image de celui qui fut à la tête de l’État de 2007 à 2012.