De nouveaux actes de violence ont ciblé des établissements pénitentiaires et des domiciles d’agents dans la nuit du 20 au 21 avril, prolongeant une vague d’attaques coordonnées qui secoue le système carcéral français depuis plus d’une semaine.
Une escalade de violence qui s’étend à Lyon-Corbas
Le centre de détention de Lyon-Corbas a été frappé par une attaque particulièrement inquiétante dans la nuit de dimanche à lundi. Selon le syndicat FO Justice, deux véhicules ont été incendiés sur le parking de l’établissement, marquant une escalade par rapport à l’incident survenu la veille au même endroit.
Mais la violence a franchi un nouveau cap avec le ciblage d’un logement privé. Des tirs de mortiers d’artifice et d’armes à feu de calibre 9 mm ont été dirigés contre une maison dans un quartier résidentiel proche. Les assaillants ont également tagué le garage au nom d’une surveillante du centre pénitentiaire. Cependant, ils se sont trompés d’adresse, visant par erreur le domicile d’un voisin qu’ils pensaient être celui de l’agent.
Cette attaque représente une dangereuse évolution dans la série d’actes violents qui frappe le milieu carcéral depuis le 13 avril. Pour la première fois, des armes à feu ont été utilisées contre ce qui était présumé être le domicile d’un agent pénitentiaire, marquant une intensification préoccupante de la menace.
Des intimidations coordonnées à travers la France
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a confirmé sur le réseau social X que « des agents pénitentiaires et des centres de détention ont de nouveau été pris pour cibles cette nuit ». Sans préciser tous les lieux concernés, il a indiqué qu’il n’y avait pas eu de blessés, tout en qualifiant ces faits d' »intimidations contre la République au moment où nous remettons de l’autorité et de l’ordre dans nos prisons ».
Le ministre a promis d’être « au contact de ces agents toute cette journée » et a déclaré compter sur « la fermeté du ministère de l’Intérieur pour interpeller rapidement les auteurs et mettre fin à ces désordres ».
Cette nouvelle vague d’attaques s’inscrit dans un mouvement plus large qui a déjà touché plusieurs établissements pénitentiaires à travers la France depuis la mi-avril. Des prisons à Toulon, Valence, Meaux, Nîmes, Aix-Luynes, Nanterre, Villepinte et Tarascon ont été ciblées, ainsi que l’École nationale de l’administration pénitentiaire d’Agen.
Le mystérieux groupe « DDPF » dans le viseur des enquêteurs
Les attaques sont généralement signées par des tags « DDPF », sigle qui signifie « Défense des Droits des Prisonniers Français ». Ce mouvement s’est manifesté sur un canal Telegram créé le 12 avril, veille du début des attaques, et revendique une lutte pour améliorer les conditions de détention.
Dans ses communications, le groupe « DDPF » se présente comme un « mouvement dédié à dénoncer les atteintes à nos droits fondamentaux auxquelles le ministre Gérald Darmanin compte porter atteinte ». Il dénonce notamment les surveillants « qui abusent de leur pouvoir » et affirme défendre « les droits de l’homme à l’intérieur des prisons ».
Le parquet national antiterroriste (PNAT) s’est saisi de l’enquête, évoquant un objectif clair : « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ». Plusieurs pistes sont explorées par les enquêteurs, incluant l’ultragauche, le narcobanditisme, voire une tentative d’ingérence étrangère.
Une profession sous tension et des mesures de protection renforcées
Face à cette menace croissante, les syndicats pénitentiaires tirent la sonnette d’alarme. « La multiplication de ces attaques génère énormément d’inquiétude et de tension chez les agents pénitentiaires », alerte Didier Lui-Hin-Tsan, secrétaire régional FO Justice Lyon. « Ils craignent pour eux-mêmes mais également pour leur famille. »
Des mesures de protection ont été mises en place, avec notamment des patrouilles renforcées de gendarmerie et de police aux abords des maisons d’arrêt de Corbas et de Villefranche. Les syndicats recommandent désormais aux surveillants de prendre des précautions supplémentaires : ne pas évoquer leur profession en dehors du travail, éviter de porter l’uniforme en civil et garer systématiquement leur véhicule à l’abri des regards.
D’autres agents ciblés par des menaces ont également porté plainte. À Villefranche-sur-Saône, deux surveillants ont vu leur identité et leurs horaires de travail exposés sur TikTok. À Aix-Luynes, un surveillant a reçu des menaces de mort après la diffusion de ses données personnelles sur Telegram. À Amiens, une surveillante attaquée a dû être relogée.
Un climat d’insécurité croissante pour les personnels pénitentiaires
Dans son communiqué, le syndicat FO Justice a fermement condamné ces « actes ignobles et lâches » et appelle à une réponse forte des autorités. « Ces intimidations ne doivent pas rester sans réponse », insiste le syndicat, réclamant que « la sécurité des agents soit une priorité absolue ».
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a affirmé que « ceux qui s’en prennent aux prisons ont vocation à y être enfermés ». Un détenu en semi-liberté, soupçonné d’appartenir au groupe DDPF, a d’ailleurs été arrêté mercredi dernier en Essonne.
Ces événements interviennent dans un contexte déjà tendu pour l’administration pénitentiaire, confrontée à la surpopulation carcérale et aux critiques sur les conditions de détention. Pour les syndicats, cette vague d’attaques marque une rupture inquiétante : « Mais c’est vraiment malheureux d’en arriver là. L’ordre n’est plus respecté », déplore Didier Lui-Hin-Tsan.