Diamond Little Boy : Quand le manga français se réinvente dans l’univers hip-hop

Victor Dermo signe le premier furyo hexagonal, entre autobiographie percutante et esthétique japonaise maîtrisée

L’auteur et son univers créatif

Victor Dermo incarne parfaitement cette nouvelle génération de créateurs français qui bousculent les codes du manga traditionnel. Né à Caen en 1994, cet autodidacte de 27 ans a grandi dans une zone urbaine prioritaire entre 2008 et 2015, période charnière de son adolescence qui nourrira directement son œuvre. Sa trajectoire personnelle, marquée par la délinquance puis la rédemption par l’art, donne à Diamond Little Boy une authenticité rare dans le paysage manga français.

L’auteur a toujours dessiné depuis son enfance avec sa grand-mère peintre, mais c’est véritablement vers 19 ans, après avoir arrêté de fumer, qu’il se lance sérieusement dans la création. Durant sa période sombre de l’adolescence, il correspond par lettres avec deux amis proches incarcérés, commençant à les dessiner pour les divertir, germe de son futur manga autobiographique. Cette genèse explique la dimension profondément humaine et sociale de son travail.

L’histoire qui nous captive

Diamond Little Boy retrace l’histoire de Victor, qui grandit dans une cité caennaise dans les années 2000, passe une grande partie de sa scolarité à dessiner dans les marges de ses cahiers, puis arrête l’école en troisième. Il tombe alors dans la délinquance et les petits trafics de stupéfiants, puis s’approche du crime organisé, avant d’être condamné par la justice. Sa minorité lui évite la détention et lui donne l’occasion de remonter la pente.

Victor Dermo décrit Diamond Little Boy comme un « drame sociétal » dans lequel le rap tient une place très importante, chaque chapitre ayant pour titre une punchline ou un titre de rap français. Dans ce manga, les chapitres sont des morceaux : Booba, Lady Laistee, Orelsan, Sinik, chaque titre est un clin d’œil sonore à une époque, un souvenir, une rage. Cette construction narrative originale fait de chaque lecture une expérience immersive totale.

Ce premier manga francophone de type « furyo » aborde l’univers des bandes, de la marginalité adolescente, tout en mettant en scène des personnages charismatiques, violents mais dotés d’un sens de l’honneur et de la loyauté. Le furyo, terme japonais signifiant littéralement « mauvais garçon » ou « voyou », trouve ici sa déclinaison française authentique.

Une écriture qui séduit

Victor Dermo a créé le style « street manga », un pont entre les codes du manga et ceux du hip-hop. Cette hybridation culturelle inédite donne naissance à une esthétique visuelle saisissante. Les dialogues tranchent, font authentiques sans pour autant surjouer le parler jeune, et l’auteur organise bien ses problématiques, les enchaîne avec un certain sens de l’ellipse.

Grâce au studio Atsu (Naruto, Bleach, Hunter x Hunter), le trait est aussi net qu’une lame affûtée, chaque page transpirant la rigueur et la précision du manga japonais. Victor Dermo n’a rien délégué à la facilité : il apprend, dessine, persévère, résultat d’un niveau graphique digne des plus grands shōnens japonais.

Ce qui rend ce livre remarquable

Victor Dermo n’a pas inventé cette histoire : il l’a vécue. Quartiers, trafic, prison évitée de justesse… Ce n’est pas une fiction déguisée, c’est une confession en cases et bulles. Cette authenticité brutale distingue radicalement Diamond Little Boy de la production manga habituelle, française comme japonaise.

Victor a tout fait seul : autoédition, diffusion web, puis rencontre avec le producteur d’Orelsan et enfin signature chez Dupuis. Son manga a même été publié au Japon via Bookwalker, du jamais-vu pour un auteur français indépendant. Cette reconnaissance japonaise valide la qualité exceptionnelle de son travail.

En 2021, le label Wagram, qui produit Orelsan, entre en contact avec les éditions Dupuis, et le directeur éditorial repère Diamond Little Boy dans sa première version autopubliée. Victor Dermo bénéficie également du soutien du label Wagram et des producteurs musicaux reconnus Mathieu Le Carpentier/Skread et son associé Abdoulaye Doucouré/Ablaye comme parrains.

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