Stéphane Larue
Musique

Aya Nakamura : le pari intime de « Destinée »

Aya Nakamura : le pari intime de « Destinée »

La superstar franco-malienne dévoile ce vendredi son cinquième album, un virage jazz et introspectif surprenant, alors que ses trois dates historiques au Stade de France affichent déjà complet.

Une entrée en matière déroutante

Loin des bangers immédiats qui ont fait sa gloire, Aya Nakamura ouvre le bal avec une audace désarmante. Dès la première piste, « Anesthésie », la chanteuse de 30 ans impose une ambiance feutrée, presque dérangeante de sincérité. Sa voix, enveloppée d’un autotune maîtrisé, s’étire sur une instrumentale minimaliste où le silence pèse autant que les mots.

C’est une rupture nette avec l’énergie solaire de DNK (2023). L’artiste semble ici tomber le masque, délaissant par instants son armure de hitmaker pour explorer une vulnérabilité inédite. « J’ai l’impression que c’est la première fois que je me livre autant », confesse-t-elle d’ailleurs à nos confrères de Télérama, soulignant une prise de risque artistique majeure.

La réponse cinglante d’une « Femme alpha »

Cet album ne se contente pas d’explorer la mélancolie ; il est aussi le terrain d’une contre-attaque magistrale. Marquée par les polémiques violentes qui ont précédé sa performance aux Jeux olympiques de Paris, Aya Nakamura règle ses comptes avec une froideur impériale. Le souvenir de la banderole raciste des militants identitaires, condamnés mi-septembre par la justice, plane sur plusieurs textes.

Elle revendique son statut de « Femme alpha », transformant les attaques en carburant pour son ego-trip. Sur le titre d’ouverture, elle lâche : « Je suis devenue pire que la madrina », affirmant ne plus rien devoir à personne. Cette résilience s’est forgée dans le feu des critiques, faisant d’elle une figure intouchable qui « connaît le vice » et refuse désormais toute naïveté.

Jazz, spleen et hits mondiaux

Si l’atmosphère générale flirte avec le jazz et le « blues » — titre d’une chanson où elle évoque une rupture douloureuse —, la machine à tubes n’est jamais loin. Le morceau « No stress » rappelle immédiatement la rythmique chaloupée de « Djadja », dont le clip a franchi le milliard de vues plus tôt cette année. Aya n’a rien perdu de sa capacité à faire danser la planète.

L’album confirme surtout son statut d’artiste française la plus écoutée au monde. Elle s’offre des collaborations de haut vol, invitant la star américaine Kali Uchis sur « Baby boy » et la Jamaïcaine Shenseaa sur « Dis-moi ». Fidèle à sa signature, elle continue de tordre la langue française avec génie, faisant rimer malicieusement « alien » et « malienne » pour revendiquer son identité complexe.

En route vers le sacre au Stade de France

La sortie de « Destinée » marque le début d’une année qui s’annonce historique. Fin octobre, la billetterie pour ses trois concerts au Stade de France (mai 2026) a été dévalisée en quelques minutes. Ce sont plus de 240 000 spectateurs qui viendront célébrer celle qui avait ébloui le monde entier en robe dorée sur le pont des Arts avec la Garde républicaine.

Avec ce disque de 18 titres, Aya Nakamura ne cherche plus à séduire, mais à durer. Elle prouve qu’elle peut naviguer entre la « go » qui fait la fête et la femme blessée qui soigne ses plaies en musique. Comme elle le chante sur « Désarmer », elle est puissante, complexe et définitivement installée au sommet.

Mais aussi