L’eurodéputée française Rima Hassan vient d’être expulsée d’Israël après avoir passé plusieurs jours en détention suite à l’arraisonnement du voilier humanitaire Madleen. Une opération qui relance les tensions autour du conflit israélo-palestinien et suscite de vives réactions politiques en France.
Les 5 informations clés à retenir :
- Rima Hassan et 11 autres militants ont été arrêtés lors de l’arraisonnement du voilier Madleen en route vers Gaza
- L’eurodéputée a été placée en isolement après avoir écrit « Free Palestine » sur les murs de sa cellule
- Greta Thunberg était également à bord et a déjà été expulsée vers la Suède
- La France a obtenu l’expulsion de ses 4 ressortissants après des négociations diplomatiques
- L’opération ravive les tensions entre LFI et le gouvernement français sur la politique au Moyen-Orient
Le contexte qui a tout déclenché
Tout commence le 1er juin 2025 quand un petit voilier baptisé Madleen quitte le port de Catane en Sicile avec à son bord 12 militants de différentes nationalités. L’objectif affiché : rallier Gaza pour y apporter une aide humanitaire symbolique et dénoncer ce qu’ils appellent le « blocus israélien » de l’enclave palestinienne.
Parmi les passagers de cette « Flottille pour la liberté », on retrouve deux personnalités médiatiques : l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg et l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan. Cette dernière avait déjà été refoulée dès son arrivée à Tel-Aviv en février 2025 lors d’une visite officielle du Parlement européen.
Le voilier transporte ce que les organisateurs décrivent comme « des quantités limitées, mais symboliques » de matériel de secours : jus de fruit, lait, riz, conserves, barrettes de protéine offerts par des citoyens de Catane.
L’arraisonnement en haute mer qui fait polémique
Dans la nuit du 8 au 9 juin, l’opération prend un tournant dramatique. La marine israélienne arraisonne le bateau lundi matin à environ 185 kilomètres à l’ouest de la côte de Gaza, selon les autorités françaises.
La Coalition de la flottille pour la liberté dénonce une « violation manifeste des lois internationales », assurant que l’arraisonnement s’était déroulé dans les eaux internationales. De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a publié sur X une vidéo montrant sa marine donnant l’ordre au navire humanitaire en partance pour Gaza de se dérouter.
Les images diffusées par les militants montrent les occupants portant des gilets de sauvetage jeter leurs téléphones à l’eau, puis placer les mains en l’air avant l’intervention des forces israéliennes.
Comment l’opération s’est déroulée concrètement
D’après les témoignages recueillis, des drones survolaient la zone et « quatre bateaux s’approchaient de nous, tous en même temps » avant l’intervention. Les militants racontent avoir été gardés « dans les cales du bateau sans nous laisser sortir sur le pont » selon Greta Thunberg.
Escorté par deux navires de la marine israélienne, le bateau est entré dans le port d’Ashdod à la nuit tombée, vers 20H45. Une fois sur le sol israélien, les activistes ont été emmenés dans une salle pour se voir projeter un « film d’horreur documentant le massacre du 7 octobre » selon le ministre israélien de la Défense Israël Katz.
Les protagonistes sous les projecteurs
Rima Hassan, 34 ans, est devenue une figure médiatique de la gauche radicale française depuis son élection au Parlement européen en 2024. Eurodéputée franco-palestinienne née en Syrie dans un camp de réfugiés, elle s’est imposée comme une voix critique de la politique israélienne en Palestine.
Son parcours est marqué par plusieurs controverses récentes. En février 2025, elle avait déclaré sur Sud Radio que « le Hamas a une action légitime du point de vue du droit international », des propos qui lui ont valu un signalement du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau au parquet pour apologie du terrorisme.
Greta Thunberg, la militante suédoise de 22 ans, continue de diversifier ses combats au-delà de l’écologie. À son arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle après son expulsion, elle a dénoncé un acte « illégal » d’Israël, soulignant que son expérience n’était « rien comparée à ce que vivent les Palestiniens ».
La détention qui fait scandale
Une fois en détention, Rima Hassan va provoquer un incident supplémentaire. L’équipe de l’eurodéputée franco-palestinienne a indiqué qu’elle avait été placée en cellule d’isolement « après avoir écrit +Free Palestine+ sur les murs de sa cellule ».
« Elle a entamé une grève de la faim en protestation », précise la même source. L’ONG israélienne de défense des droits humains Adalah confirme que Rima Hassan et le militant brésilien Thiago Ávila ont été « placés à l’isolement dans deux prisons distinctes en Israël ».
Les conditions de détention révélées
Pendant sa détention, Rima Hassan restera en détention en Israël pour 96 heures après son refus d’embarquer pour Paris ce mardi avant d’être expulsée de force. Rima Hassan a été vue refuser un sandwich (casher) offert par les soldats de Tsahal lorsque le voilier a été arraisonné.
Les autorités israéliennes ont proposé aux détenus un document les invitant à reconnaître une « prétendue entrée illégale ». Ils avaient le choix entre le signer – et être immédiatement expulsés – ou refuser, et être déférés devant un juge israélien.
La réaction française qui divise
La situation provoque immédiatement des remous politiques en France. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, annonce rapidement que les quatre ressortissants français encore retenus en Israël seront expulsés vers la France demain et après-demain.
Le ministre remerciera ses équipes sur X : « Merci à nos agents pour leur mobilisation admirable qui a permis cette issue rapide, en dépit du harcèlement et de la diffamation dont ils ont été l’objet ».
François Bayrou dénonce une « instrumentalisation »
François Bayrou, le Premier ministre, adopte une ligne plus critique. Interpellé par Mathilde Panot à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a dénoncé « une instrumentalisation » de la situation à Gaza par LFI.
Il va plus loin en déclarant : « Et je crois, pour vous dire le fond de ce que je pense, que ceux qui ont lancé l’assaut du 7 octobre voulaient obtenir la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui », en faisant référence au Hamas.
La France insoumise mobilise ses troupes
La France insoumise fait bloc derrière son eurodéputée. Jean-Luc Mélenchon a déclaré dans un communiqué : « Nous exprimons notre plus vive indignation suite à l’interception, cette nuit, par les autorités israéliennes, du navire Freedom Flotilla », appelant à des mobilisations « partout en France ».
Les trois dirigeants insoumis Mathilde Panot, Manuel Bompard et Manon Aubry ont envoyé un courrier pour réclamer « de toute urgence une audience auprès du Président de la République ».
Sur X, Jean-Luc Mélenchon maintient la pression : « Pour l’instant Rima Hassan est à l’isolement pour avoir écrit +Free Palestine+ sur le mur de sa cellule. On l’a croira libérée quand on la verra à Paris ».
Des manifestations spontanées en soutien
Dès l’annonce de l’arraisonnement, LFI lance « spontanément » une opération anti-Israël, Place de la République à Paris. Des rassemblements de soutien se organisent dans plusieurs villes françaises.
Ce que ça change pour la diplomatie française
Cette affaire met en lumière les tensions croissantes autour de la position française sur le conflit israélo-palestinien. Jean-Noël Barrot, qui occupe le poste de ministre des Affaires étrangères depuis septembre 2024, doit naviguer entre plusieurs écueils.
D’un côté, économiste de formation, diplômé de HEC Paris et du MIT, Jean-Noël Barrot est vice-président du Mouvement démocrate dont François Bayrou est le président. Son profil technocratique contraste avec l’émotion suscitée par cette affaire.
De l’autre, la France maintient officiellement que « ce qui se passe aujourd’hui à Gaza est inacceptable, intolérable et une souffrance, y compris pour ceux qui ont toujours défendu l’existence d’Israël », selon les déclarations du Premier ministre.
Les questions que vous vous posez
Pourquoi Israël a-t-il arraisonné ce bateau ? Les autorités israéliennes assurent que le blocus naval, mis en place en 2007, est une mesure de sécurité qui a été prise pour lutter contre la contrebande d’armes destinées au Hamas. Elles considèrent toute tentative de forcer ce blocus comme illégale.
Cette action était-elle légale selon le droit international ? La question divise. Les militants dénoncent une intervention en eaux internationales, tandis qu’Israël affirme avoir intercepté le navire dans ses eaux territoriales. En 2010, une autre flottille avec près de 700 passagers à bord avait été stoppée par une opération israélienne qui avait fait 10 morts parmi les militants.
Que va-t-il se passer maintenant pour Rima Hassan ? Le retour en France de Rima Hassan et d’un autre ressortissant français est prévu jeudi soir à Roissy-Charles-De-Gaulle. Elle devra faire face aux procédures judiciaires en cours en France pour apologie du terrorisme.
Ce qu’on peut attendre maintenant
Cette affaire risque de marquer durablement les relations entre la France et Israël, mais aussi les débats politiques français sur le Moyen-Orient. Rima Hassan sort renforcée aux yeux de ses soutiens, qui y voient la confirmation de son statut de « résistante ».
Pour LFI, c’est l’occasion de relancer sa campagne sur la Palestine et de critiquer la politique étrangère du gouvernement Bayrou. Le parti de Jean-Luc Mélenchon devrait continuer à instrumentaliser cette affaire dans les mois qui viennent.
Du côté israélien, cette opération s’inscrit dans une stratégie plus large de fermeté face aux initiatives pro-palestiniennes. Le ministre israélien de la Défense avait d’ailleurs prévenu : « À l’antisémite Greta et à ses collègues propagandistes du Hamas, je le dis clairement : Vous devriez faire demi-tour, car vous n’arriverez pas à Gaza ».
L’expulsion de Rima Hassan clôt un épisode qui aura duré moins d’une semaine mais qui illustre parfaitement les tensions actuelles autour du conflit israélo-palestinien. Entre solidarité humanitaire et considérations géopolitiques, chaque camp campe sur ses positions dans un conflit qui semble plus que jamais cristalliser les passions françaises.
Encadré à retenir :
- Date de départ : 1er juin 2025 depuis Catane (Italie)
- Arraisonnement : Nuit du 8 au 9 juin à 185 km de Gaza
- Durée de détention : 96 heures pour Rima Hassan
- Nationalités des militants : France, Suède, Allemagne, Brésil, Turquie, Espagne, Pays-Bas
- Expulsion : 12-13 juin 2025 vers la France
Citations marquantes :
« Si vous voyez cette vidéo, nous avons été interceptés et kidnappés dans les eaux internationales » – Greta Thunberg dans une vidéo préenregistrée
« Il se dit que Rima Hassan et ses coéquipiers prisonniers seraient expulsés demain. Pour l’instant Rima Hassan est à l’isolement pour avoir écrit +Free Palestine+ sur le mur de sa cellule » – Jean-Luc Mélenchon sur X
« Merci à nos agents pour leur mobilisation admirable qui a permis cette issue rapide, en dépit du harcèlement et de la diffamation dont ils ont été l’objet » – Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères
Tableau récapitulatif des expulsions
Militant | Nationalité | Statut | Date d’expulsion |
---|---|---|---|
Greta Thunberg | Suédoise | Expulsée | 10 juin 2025 |
Rima Hassan | Franco-palestinienne | Expulsée de force | 12 juin 2025 |
Thiago Ávila | Brésilienne | En détention | – |
Yasemin Acar | Allemande | En détention | – |
4 militants français | Française | Expulsés | 12-13 juin 2025 |