Le décès d’Ahmed Laabidi, alias Kafon, survenu le 10 mai 2025 à l’âge de 43 ans, plonge la Tunisie dans le deuil et marque la disparition d’une figure incontournable du rap engagé.
Un artiste qui incarnait la voix des quartiers populaires
Né en 1983 à Tunis, Ahmed Laabidi, connu sous le nom de scène Kafon, s’est imposé dès le début des années 2010 comme l’un des piliers du rap tunisien. Son style brut, authentique et sans compromis a su toucher un large public, bien au-delà des frontières nationales. Son morceau phare, Houmani, sorti en 2013 en collaboration avec Hamzaoui Med Amine, a marqué un tournant dans sa carrière. Ce titre, devenu un hymne pour toute une génération, dénonçait sans détour les inégalités sociales et la marginalisation des jeunes des quartiers populaires. Avec plus de 50 millions de vues sur YouTube, Houmani reste l’un des morceaux les plus emblématiques du rap tunisien post-révolution.
Un parcours marqué par la résilience et l’engagement
Kafon n’a jamais cherché à plaire à tout prix : il utilisait sa musique pour dire l’indicible, dénoncer les injustices et donner une voix à ceux qui n’en avaient pas. Sa discographie, riche de titres comme Maâlich, El Ayem, Nheb Ngallaa, ou encore La Résistance et Manich Mnin, témoigne de son attachement indéfectible à la réalité sociale tunisienne et à ses racines populaires. Son engagement ne s’est pas limité à la musique : il a aussi fait ses premiers pas au cinéma et à la télévision, participant à des séries à succès comme Nouba et Ragouj, où il montrait une autre facette de son talent.
Le parcours de Kafon a également été jalonné d’épreuves. En 2013, peu après son explosion médiatique, il a été condamné à une peine de prison pour consommation de cannabis. Cette affaire très médiatisée a suscité un débat national sur la sévérité de la législation tunisienne en matière de stupéfiants. Loin de briser sa détermination, cette période difficile a renforcé son authenticité artistique et sa volonté de s’exprimer librement.
Un combat discret contre la maladie
Depuis plusieurs années, Kafon luttait contre la maladie de Buerger, une affection rare des artères qui l’a contraint à subir plusieurs amputations. Malgré ces graves problèmes de santé, il n’a jamais cessé de créer, de composer et de partager sa musique avec ses fans. Son courage et sa résilience ont été salués par ses pairs et par le public, qui voyaient en lui un exemple de ténacité et d’authenticité. Jusqu’à la fin, il est resté fidèle à ses convictions et à son art, transformant la douleur en poésie et le rejet en fierté.
Une pluie d’hommages et un héritage durable
L’annonce de la disparition de Kafon a provoqué une onde de choc dans tout le pays. Les hommages se sont multipliés sur les réseaux sociaux : fans, artistes, journalistes et anonymes saluent unanimement la mémoire d’un artiste « authentique », « engagé », et « porte-voix des sans-voix ». Plusieurs personnalités du monde culturel appellent à organiser un hommage national à la hauteur de l’impact de Kafon sur la scène musicale tunisienne.
Originaire de La Goulette, quartier populaire de la banlieue nord de Tunis, Kafon a toujours revendiqué ses racines et affirmé que « le rap, c’est notre journal intime, à nous les oubliés ». Son décès laisse un vide immense dans le paysage musical tunisien, mais son œuvre, sa voix et son engagement continueront d’inspirer les générations futures.