Unique en France, ce sanctuaire pour femmes sans-abri et toxicomanes voit son avenir assuré à Lille. L’Agence régionale de santé vient de pérenniser le financement de la Maison Corinne Masiero, gérée par Abej Solidarité et CèdrAgir, garantissant un accueil 24h/24 pour ces profils d’une extrême vulnérabilité.
Le dernier rempart contre la rue
Pour les femmes à la rue, la nuit est souvent synonyme de terreur, de violences sexuelles et de dettes toxiques. À Lille, une maison aux volets clos offre l’exact opposé : un répit inconditionnel pour celles que tous les autres dispositifs ont rejetées.
Ici, on ne demande pas l’abstinence, mais on offre la sécurité. Ce lieu de vie accueille spécifiquement des femmes usagères de drogues, notamment le crack, dont la consommation a explosé dans la métropole lilloise.
La structure dispose de dix chambres individuelles où la dignité n’est pas un vain mot. Contrairement aux hébergements d’urgence classiques, les résidentes peuvent y rester toute la journée, accompagnées par leurs animaux de compagnie.
Une approche radicale de la réduction des risques
La philosophie de la Maison Corinne Masiero repose sur la « Réduction des Risques » (RdR), un pragmatisme sanitaire indispensable. Plutôt que d’exiger un arrêt brutal des consommations, impossible pour ces profils ancrés dans l’errance, l’équipe encadre les pratiques.
L’objectif est de stabiliser ces femmes, souvent poly-consommatrices, en leur offrant un cadre médical et social sécurisé. Cette approche permet de renouer un lien de confiance brisé par des années de marginalité.
Deux acteurs majeurs de la solidarité lilloise, Abej Solidarité et CèdrAgir, pilotent conjointement ce navire. Leur alliance permet de croiser l’expertise de l’hébergement d’urgence et celle de l’addictologie de pointe.
Corinne Masiero : « Une maison pour les meufs sans »
L’actrice nordiste Corinne Masiero n’est pas une simple prête-nom pour la plaque inaugurale. Elle a elle-même connu la rue et les affres de la toxicomanie avant de connaître la célébrité.
Elle appelle ce lieu « une maison pour les meufs sans », soulignant l’invisibilité de ces femmes dans l’espace public. Son engagement offre une visibilité médiatique cruciale à une cause souvent jugée peu « glamour ».
En acceptant de devenir la marraine, elle a validé la pertinence d’un lieu pensé par et pour des survivantes. Sa présence régulière auprès des résidentes témoigne d’une solidarité concrète, loin des caméras.
La fin de l’incertitude financière
Lancée comme une expérimentation, la structure vivait avec une épée de Damoclès au-dessus de son budget. L’annonce de la pérennisation par l’Agence régionale de santé (ARS) change tout.
Désormais inscrit dans la durée, le dispositif va pouvoir approfondir son travail de reconstruction à long terme. Les équipes éducatives et médicales ne travailleront plus dans l’urgence administrative, mais dans la continuité des soins.
Cette décision de l’ARS valide officiellement l’efficacité du modèle lillois face à la crise du crack. C’est un signal fort envoyé aux pouvoirs publics : la répression seule ne suffit pas, le soin doit primer.
Un modèle à dupliquer face à la crise
Lille fait face depuis plusieurs années à une montée inquiétante de la consommation de cocaïne basée et de crack. Les femmes sont les premières victimes de ces réseaux, souvent contraintes à la prostitution pour rembourser leurs dealers.
La Maison Corinne Masiero prouve qu’il est possible de sortir ces victimes de l’emprise des trafiquants en leur offrant un toit sans condition. Le taux d’occupation maximal de la maison démontre l’immensité des besoins sur le territoire.
Avec ce financement durable, la structure devient un laboratoire d’innovation sociale pour le reste de la France. Elle démontre que l’humanité et le soin sont les seules réponses viables à la grande exclusion.
