La communauté éducative européenne est en deuil. Sofia Corradi, professeure émérite en sciences de l’éducation et créatrice du célèbre programme Erasmus, s’est éteinte dans la nuit de vendredi à samedi à Rome, selon l’annonce faite par sa famille samedi 18 octobre. Âgée de 91 ans, celle que l’on surnommait affectueusement « Mamma Erasmus » laisse derrière elle un héritage exceptionnel qui a transformé la vie de plus de 16 millions d’étudiants européens.
Une disparition qui marque la fin d’une ère
La famille de l’universitaire italienne a rendu hommage à une femme d’une grande énergie et générosité intellectuelle et affective, rapporte l’agence de presse italienne ANSA. Sofia Corradi avait célébré son 91e anniversaire il y a seulement un mois, le 5 septembre dernier.
Professeure ordinaire de sciences de l’éducation à l’université Roma 3, elle avait consacré près de deux décennies de sa vie à convaincre les responsables académiques et politiques européens de la nécessité d’un programme d’échanges universitaires harmonisé.
D’un échec personnel à une révolution éducative
Le parcours de Sofia Corradi illustre comment une déception peut se transformer en victoire collective. En 1957, grâce à une prestigieuse bourse Fulbright, elle avait obtenu un Master en droit comparé à la Columbia University de New York. À son retour en Italie, l’université La Sapienza de Rome avait refusé de reconnaître ses examens passés à l’étranger.
Face à cette injustice, la jeune juriste avait alors décidé qu’aucun autre étudiant ne devrait subir la même expérience. Elle proposa son projet dès 1969, mais il fallut attendre 1987, sous la présidence de Jacques Delors à la Commission européenne, pour que le programme Erasmus voie officiellement le jour.
Un impact culturel et social sans précédent
Le programme qu’elle a imaginé porte le nom du théologien néerlandais Érasme de Rotterdam, tout en formant l’acronyme EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students. Depuis sa création, il a permis à des millions de jeunes Européens de poursuivre une partie de leurs études dans un autre pays du continent.
Selon les données officielles, plus de 16 millions d’étudiants ont bénéficié du programme Erasmus depuis 1987. L’initiative a également eu un impact culturel profond, représentant pour beaucoup leur première expérience de vie et d’études à l’étranger.
Une reconnaissance internationale méritée
L’engagement de Sofia Corradi pour l’éducation européenne lui avait valu plusieurs distinctions prestigieuses. En 2016, le roi d’Espagne lui avait décerné le prix européen Charles Quint, une récompense également attribuée à Helmut Kohl et Jacques Delors pour leur contribution à la construction européenne.
La même année, le président italien Sergio Mattarella l’avait nommée Commandeur de l’Ordre du Mérite de la République italienne, reconnaissant ainsi sa contribution exceptionnelle au domaine éducatif.